Le Parlement européen valide la taxation des engrais russes
Malgré les craintes des agriculteurs européens, le Parlement européen a validé, le 22 mai 2025, la mise en place de droits de douane visant à réduire drastiquement les importations d’engrais russes dans l’Union européenne.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Le Parlement européen a approuvé ce jeudi 22 mai 2025 la hausse des taxes sur les engrais importés de Russie chaque année en Europe, malgré les craintes des agriculteurs d’une envolée des prix mondiaux. Cette nouvelle étape dans le bras de fer entre Moscou et Bruxelles a été soutenue par une large majorité de gauche, du centre et de droite (411 pour, 100 contre et 78 abstentions), tandis que l’extrême droite s’y opposait.
Le gouvernement russe a fustigé la mesure. Les Européens « se tirent une balle dans le pied » et vont « se retrouver avec des engrais plus chers », a lancé le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.
« Limiter la dépendance des agriculteurs européens »
Dès juillet 2025, l’Union européenne va mettre en place des surtaxes douanières et les augmenter progressivement jusqu’en 2028, afin de couper le robinet des fertilisants azotés venus de Russie et de son allié bélarusse. Plus de trois ans après l’invasion de l’Ukraine, il faut cesser « d’alimenter la machine de guerre » de Vladimir Poutine et « limiter la dépendance des agriculteurs européens à l’égard des engrais russes », revendique l’eurodéputée lettone Inese Vaidere (PPE, droite), rapporteure de ce texte, qui devra recevoir un ultime feu vert des États membres.
L’Union européenne a importé 6,2 millions de tonnes d’engrais russes en 2024 et déjà près de 2,5 millions depuis le début de 2025, soit un quart de ses importations en la matière. « L’origine russe est la plus compétitive en termes de prix » et la logistique de livraisons est « bien établie », indique Dominique Dejonckheere, cadre du Copa-Cogeca, l’organisation des syndicats agricoles européens.
Avec les surtaxes, l’Europe veut empêcher la Russie de passer par ses engrais pour exporter son gaz naturel, matière première principale de fabrication de ces fertilisants azotés. Bruxelles vise surtout une augmentation de la production européenne, pour davantage d’indépendance.
La taxation des engrais russes est d’ailleurs applaudie par les industriels de l’Union européenne. « Le temps presse. Cela fait trois ans que nous demandons à l’UE d’agir, souligne Tiffanie Stephani, chez Yara, l’un des plus gros producteurs d’engrais en Europe. Les importations russes ont eu un impact massif » avec une « pression » sur les prix, estime-t-elle.
« Punir les agriculteurs »
L’Union européenne va maintenant devoir rassurer les agriculteurs qui s’alarment d’une éventuelle explosion des prix sur l’ensemble du marché. Cette taxation peut être « potentiellement dévastatrice », a lancé le Copa-Cogeca. « Les agriculteurs européens ne doivent pas devenir des dommages collatéraux » de la situation géopolitique, insiste-t-il.
À la Commission européenne, on assure que toutes les précautions ont été prises pour que le marché ne soit pas affecté. L’exécutif européen insiste sur la progressivité de la mesure, en trois ans, et promet d’intervenir si les prix grimpent. En cas d’inflation, la Commission pourrait suspendre les taxes douanières sur les engrais d’autres régions pour compenser : Maghreb, Asie centrale, États-Unis, Trinité-et-Tobago ou Nigeria…
De son côté, l’entreprise Yara, qui assure comprendre les inquiétudes « légitimes » des agriculteurs, évoque une potentielle hausse limitée des prix du marché de « 5 à 10 dollars (4,5 à 9 euros) par tonne en raison de différents coûts logistiques ». Les cours varient, mais la tonne d’engrais à base d’azote vaut quelque 350 euros actuellement.
Une colère à surveiller comme le lait sur le feu
Des voix à droite ont exprimé des réserves et réclamé un report de ces taxes. À l’extrême droite, une série d’élus ont tenté, en vain, de détricoter la proposition. La taxation des engrais russes « ne va pas changer d’un iota la guerre et est extrêmement périlleuse pour nos agriculteurs », juge l’eurodéputé Thierry Mariani (RN, Patriotes). « C’est une usine à gaz et un suicide économique », lâche cet élu français, régulièrement pointé du doigt par ses adversaires politiques pour sa proximité avec la Russie de Vladimir Poutine.
Échaudée par la colère agricole de 2024, la Commission européenne va surveiller le sujet comme le lait sur le feu. L’exécutif a enchaîné les gestes à l’égard des agriculteurs ces derniers mois, à l’image d’un plan présenté à la mi-mai pour simplifier la politique agricole commune.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :